Retour sur les premières Convivial’idées de la ruralité

En ce début d’année, une nouvelle activité vient s’ajouter à celles du Collectif Trois-Tiers.

Nous co-organisons avec UTOPOS (l’association étudiante de l’Institut d’Urbanisme de Bordeaux) un cycle de conférences conviviales autour de la ruralité.

L’idée lancée, il ne restait plus qu’à lui trouver un nom.
Voilà alors les CONVIVIAL’IDEES DE LA RURALITE.
Un nom qui allie l’envie d’organiser des moments conviviaux et d’y convier des étudiants et des professionnels de différents horizons, de différentes provenances, pour partager leurs idées sur des sujets autour de la ruralité

Les premières Convivial ’idées ont pris la forme d’un débat mouvant sur la question « Existe-t-il encore une ruralité ? »

En première partie nous avons reçu Jean-Marie Billa, maire de St-Macaire de 1983 à 2008, architecte et ancien enseignant à l’ENSAPBx et à l’IATU, qui nous a présenté sa vision de la ruralité durant une quinzaine de minutes. Ensuite la salle s’est prêtée au jeu autour du débat mouvant.

Les règles du jeu étaient simples :
– Nous posons une question à laquelle on peut répondre par oui ou par non,
– Le public se répartie d’un côté et de l’autre de la salle en fonction de sa réponse à la question (OUI ou NON),
– Les indécis peuvent rester au milieu de la salle afin de se faire convaincre par l’un des deux camps,
– Le débat peut alors commencer, chacun des deux camps avance des arguments puis le public navigue de camps en camps en fonction des arguments avancés et de l’influence qu’ils ont sur leurs propres idées,
– Le débat se ponctue après 5 minutes et les personnes ne s’étant toujours pas prononcées doivent à présent faire un choix et l’expliquer.

Pari plutôt réussi pour nos deux associations : la salle était pleine. Le public très hétérogène, issu de diverses formations et métiers en tout genre; sans oublier leurs origines, ville ou campagne.
Ce bon moment s’est terminé autour d’un verre dans un bar. Les différents participants ont pu se rencontrer et continuer d’échanger, entre eux mais aussi avec l’intervenant Jean-Marie Billa, les membres de l’association UTOPOS et du Collectif Trois-Tiers.

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Les convivial ’idées se poursuivent dans les mois à venir avec l’organisation d’un ciné-débat et d’une soirée cabaret d’improvisation.

En attendant, voici ce qui est ressorti des échanges.  

Intervention de Jean-Marie Billa

Jean-Marie Billa définit la ruralité comme des bourgs de moins de 2000 habitants, en se tenant à la définition de l’INSEE. Mais il propose aussi de faire attention au fait qu’un bourg n’est pas nécessairement une commune agricole.

De sa fonction passée et de son ancrage actuel, il constate qu’il y a une réelle attractivité qui se développe autour de la ruralité aujourd’hui et fait référence au bouquin d’Éric Charmes, La revanche des villages.
Par exemple les nouveaux habitants pensent que le milieu scolaire est meilleur dans ces bourgs qu’en milieu urbain et que leurs enfants pourront s’y épanouir. D’ailleurs ce sont par l’intermédiaire des parents d’élèves que les habitants s’intègrent souvent aux autres associations des villages.
Pourtant, pour Jean-Marie Billa le principal problème réside dans le clivage social que l’on retrouve en campagne. Un clivage entre ceux qui ont un capital culturel et ceux qui n’en ont pas. C’est à cause de ce clivage que les tensions se créées. Il faut alors essayer de créer des moments transversaux dans lesquels tout le monde peut se sentir à l’aise.

« A Saint-Macaire on travaille sur une manière de ressourcer la fierté « d’être là ». »

Pour conclure Jean-Marie Billa a voulu parler de l’incapacité actuelle de traiter de l’espace immatériel, dénonçant avoir des communicants là où il faudrait des anthropologues.

Est-ce qu’il existe encore une ruralité ?

L’une des principales réponses proposées était que s’il existe encore une ruralité, alors en réalité on peut en distinguer plusieurs.
On peut faire référence à la ruralité ancienne, celle que beaucoup ont à l’esprit et en souvenir, où l’agriculture est l’activité principale et impose le caractère rural au territoire.
Puis il y a aussi la nouvelle ruralité, celle qui est impulsée par de nouveaux arrivants, revenant s’installer à la campagne. Ils se créent une nouvelle vie et ramènent la vie dans le village en revenant à des pratiques simples.

Mais pour d’autres, la ruralité n’existe plus, ou alors elle a beaucoup évoluée. Les pratiques des habitants ont évolué vers des pratiques plus urbaines, les formes morphologiques du bâti aussi. Et pour cela trois raisons ont été mises en avant. D’abord le remembrement agricole qui est venu modifier tant les pratiques et usages que les paysages. Ainsi la complémentarité entre un bourg et sa ceinture agricole a été rompue laissant toute la place à de nouvelles formes urbaines. C’est ce qui nous a amené à penser qu’il n’y a pas d’outils d’aménagement spécifiques aux espaces ruraux.

La campagne est-elle conviviale ?

Ici encore il semble que la convivialité puisse être définie de plusieurs manière et fasse appel à des images de références. Il y a l’idée de la convivialité passée, notamment avec les bals dansants, les commerces dans les bourgs, les relations de voisinages, avec beaucoup de codes qui semblent perdus. De ce point de vue là, on pourrait dire que la campagne n’est plus conviviale. Pour expliquer cela le goût de la rumeur et l’individualisme semble être mis en cause.

A l’inverse, pour d’autres les commérages sont l’expression de la convivialité dans les villages. Quand il n’y a pas de moyens de transport pour se déplacer, on reste dans le village, on s’installe sur la place du village ou bien et on va voir les habitants pour passer du temps avec eux et faire des commérages. L’avantage dans ce modèle c’est que tout le monde se connaît, et cela permet de se sentir exister.
C’est ici que l’on reproche à la ville d’être synonyme d’anonymat, pourtant la  notion de convivialité revient en ville notamment avec la notion de quartier.

Une dualité entre ville et campagne s’est alors installée. Il s’agit alors de ne pas faire de généralité, la convivialité ne peut pas être induite seulement par le lieu de vie des habitants. La convivialité est davantage liée aux individus, à leur implication, leur volonté, etc. qu’au territoire.
Enfin de nouvelles formes de convivialités se construisent de jour en jour, notamment par le biais des réseaux sociaux.

La campagne est-elle un lieu de culture ?

Nous avons pu voir se créer deux équipes, une « Team Médoc » et une « Team Entre-deux-Mers ».

Pour la « Team Médoc », il était difficile de parler de culture à la campagne alors que l’on y voit la disparition des clubs de football, des médiathèques, des clubs de théâtre, et même des associations culturelles. Si l’on veut y organiser des activités ou événements culturels, il faut faire appel à des associations bordelaises, les ressources locales sont quasi inexistantes. La seule chose de vraiment présent ce sont les cinémas, offrant une liste de films assez limitée.

A l’inverse pour la « Team Entre-deux-Mers », la culture est très présente sur le territoire. Il existe un tissus associatif important. Par exemple dans la commune de Langoiran, les Chantiers Tramasset ont ouvert une voie culturelle qui fait aujourd’hui l’identité du village. Pour la « Team Médoc », l’Entre-deux-Mers à accès à cette culture car elle est proche de la métropole et bénéficie de son influence.

La question de l’identité a également été abordée. En effet il a été posé la question de savoir si le mot culture ne pouvait pas être entendu dans un sens plus large que son aspect très officiel (le théâtre, le cinéma, les musées, la musique, etc.), en considérant également les lotos, les clubs de foot, etc. Mais beaucoup préféraient alors parler dans ce cas d’identité plus que de culture.

Enfin le dernier élément soulevé était l’accès à la culture. Il semblerait que l’accès à la culture soit plus difficile en campagne qu’en ville. Cependant encore une fois, il ne faut pas faire de généralités. En effet on peut tout avoir autour de soi et ne pas s’en saisir. Le fait de se cultiver est très lié à l’individu, à ses habitudes, ses envies, son éducation, etc.

Campagne et écologie, oui ou non ?

L’utilisation d’intrants-chimiques était la première raison de répondre non à la question. Pour beaucoup, la campagne ne rime pas avec écologie en raison de la grande utilisation d’intrants-chimiques notamment dans les cultures aussi bien viticoles qu’agricoles.
Mais le cadre de vie, notamment en termes de mobilité et d’habitat pose également un problème.

D’un autre côté, on dénonce le fait que l’on ne se rend pas souvent compte des progrès que l’on a fait à la campagne. Jean-Marie Billa a notamment pris pour exemple à ce sujet, l’assainissement. En effet il y a encore peu de temps rien n’était fait en matière d’assainissement dans les villages, mais les collectivités et les habitants ont fait des efforts remarquables. Et il en est de même pour les agriculteurs et les viticulteurs, en effet, même si cela n’est pas la norme on voit un effort de leur part.

Alors même si des avis s’opposent, nous étions tous d’accord pour dire que l’on arrivera plus vite à une campagne écologique qu’à une ville écologique.

Pour vous, est ce que c’est possible/ nécessaire de faire de la concertation en milieu ou est-ce que c’est au maire et à son équipe de décider ?

Pour beaucoup de participants, l’habitant doit être au cœur du projet pour plusieurs motifs. Principalement parce que le projet leur est destiné, mais également parce qu’aujourd’hui les projets sont plus politiques et économiques que sociaux. Enfin, parce qu’aujourd’hui les personnes qui pensent l’espace n’y vivent pas, et c’est pour cela qu’il faut impliquer les habitants dans le projet, afin qu’ils puissent donner des clés de lecture du territoire, partager leurs besoins et leurs envies.

Pourtant au fil de la discussion, on se rend compte qu’il est difficile de mobiliser les habitants, on peut ouvrir des portes mais ils ne viennent pas toujours. Les outils utilisés ne sont pas toujours les bons et la concertation a ses limites dans la mesure où elle est souvent capacitaire. De plus la concertation est une notion urbaine, en campagne les gens s’arrêtent à leur parcelle dans ces moments de concertation. Cependant on peut récolter des informations beaucoup plus pertinentes dans les moments du quotidien ou autour de temps plus informels que lors d’une concertation classique. Il vaut mieux faire parler les habitants dans des moments conviviaux.

Des vertus ont également été reconnues à l’implication des habitants dans la vie de la commune et dans les projets. La première est qu’elle permet d’écouter les souhaits des habitants, la seconde est qu’elle permet un temps d’éducation. Elle est le lieu de la sensibilisation et de l’information, c’est un temps d’échanges.

Enfin, même si la plupart des réponses étaient favorables et démontraient la nécessité de temps pour impliquer les habitants au cœur du projet, il a quand même été spécifié que la prise de décision doit rester aux élus car ils ont la légitimité d’avoir été élus. Cela permet d’éviter de faire primer les intérêts privés sur l’intérêt de la collectivité.

Demain on t’offre une maison, la seule condition, c’est que tu y restes à tout jamais, tu acceptes ou non ?

Cette question a provoqué des réponses très personnelles liées à des expériences passées, des souvenirs des émotions. Nous vous proposons quelques-unes des réponses entendues.

« Oui mais ça fait appel à des imaginaires qui sont ancrés en moi plus que dans la réalité. Je vois la campagne comme un endroit où on me laissera l’opportunité de vivre comme je le souhaite, peut-être en autogestion … »

« Moi je me suis tellement ennuyée à la campagne que je ne veux pas, plus jamais ! »

« Moi c’est plutôt le retour aux racines, l’idée de me réinscrire dans un patrimoine culturel, dans le cadre de vie de mes parents, et le fait que c’est là où vit ma famille que j’ai envie de dire oui. »

Après toutes ces paroles, ces idées, ces perceptions, une question se pose : Et pour vous, existe-t-il encore une ruralité ?

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