Le projet de tiers-lieu à Pamiers

Pamiers est une commune de 16 000 habitants située dans un département rural, celui de l’Ariège, en Occitanie.

Ville moyenne, elle abrite de nombreuses centralités du département et un bassin d’emploi qui a su se conforter grâce à l’industrie sidérurgique.

Pour autant, conséquence de politiques publiques essentiellement concentrées sur le développement économique du territoire, la ville a vu son centre ancien dépérir petit à petit.

Un projet de tiers-lieu pour contribuer à la redynamisation du centre ancien de Pamiers ! Telle était l’idée d’un groupe d’habitants dans lequel on retrouve Bernard Brunet, à l’initiative du projet et que nous sommes allés rencontrer en août dernier.

Selon Bernard Brunet, ancien consultant en développement local, une dynamique fait jour dans les territoires ruraux pour mettre en place ce type d’initiatives, qu’elles soient citoyennes ou municipales.

Des lieux comme des tiers-lieux ont toute leur place dans les processus de redynamisation des cœurs de ville.

Quels sont donc les éléments pour qu’un tiers-lieu devienne partie intégrante de la vie locale d’une commune et comment s’intègre-t-il dans un processus de redynamisation ?
Quelle a été l’expérience de Pamiers autour de cette question ?

1 – Le contexte de Pamiers

Il est un paradoxe sur la ville de Pamiers.
Alors que le bassin d’emploi s’est conforté, avec aujourd’hui environ 5000 emplois, grâce à l’industrie sidérurgique qui emploie 1500 personnes, en sous-traitant pour Airbus dans la réalisation d’alliages spéciaux, le centre-ville de Pamiers a petit à petit dépéri et perdu en population.

Le maire actuel, André Trigano, âgé de 94 ans et maire depuis 4 mandats, a privilégié le développement économique de son territoire au détriment du développement social et culturel.
Une série d’initiatives ont encouragé l’étalement urbain avec la création de zones commerciales et artisanales sur des réserves foncières acquises par la mairie en périphérie de centre-ville. Ce dernier a perdu en qualité de vie, offre commerciale et s’est petit à petit vidé de sa population. Beaucoup de familles sont allées chercher une vie en périphérie. Il n’y a plus d’habitants avec du pouvoir d’achat dans le centre de Pamiers entrainant une ghettoïsation forte de certaines rues du centre-ville avec des problèmes sociaux importants et de la violence.

Ce phénomène a valu pour la Ville d’avoir son centre-ville classé en politique de la ville en 2014.

Après 1 an et demi de négociations entre la municipalité et les partenaires institutionnels, un projet pour requalifier et redynamiser le centre-ville de Pamiers a vu le jour et amorce une nouvelle dynamique pour le territoire.

Le projet de tiers-lieu a souhaité s’inscrire dans cette démarche.

2 – Le contexte du projet

Depuis environ 15 ans, Bernard Brunet s’investi fortement dans la vie de Pamiers. Il souhaite être « un acteur de la manière dont les citoyens peuvent penser la ville » (Bernard Brunet). Il a donc créé une association qui s’appelle Penser la ville à Pamiers.

Cette association réunit une diversité de profils d’habitants (commerçants, artisans…) pour réfléchir ensemble comment mieux vivre dans cette ville, à son urbanisme et à l’attractivité de son centre-ville.
Une série de projets est née de cette réflexion collective dont le projet de tiers-lieu. Une vingtaine de personnes étaient motivées par le projet.

Dans le contexte de reconquête de l’attractivité de Pamiers, la rue où se situe le tiers-lieu est une des rues principales du centre-ville de Pamiers (lien entre la place de la République à l’espace des administrations) avec de très belles maisons qui peuvent dater du XVIe siècle, dont celle où se situe le tiers-lieu.

Aujourd’hui dans cette rue il n’y a que des kebabs et pizzas. Les autres commerces ont déserté pour s’installer en périphérie.

La mairie, après une première mise à disposition d’un local trop petit, a donc proposé que le tiers-lieu s’installe dans cette rue, dans un ancien bar racheté par la Ville, avec l’espoir de recréer un lieu de vie dans cette rue.

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3 – Le projet de tiers-lieu

Le projet d’installer ce tiers-lieu dans Pamiers devait répondre à deux objectifs principaux :
– un tiers-lieu qui s’inscrit dans une volonté de reconquête du centre-ville
– la création d’un fab-lab comme un outil de l’éducation populaire sur le numérique pour que tout à chacun puisse l’utiliser et se l’approprier de manière citoyenne.

« Ce ne sont pas les machines qui sont intéressantes, c’est la démarche ». (Bernard Brunet)

 Le matériel a pu être acheté par un financement lié au contrat de ville et un financement du Département. En plus de la mise à disposition du local, la mairie a pris en charge les travaux d’électricité.

Le tiers-lieu est composé de deux espaces :
– un fab-lab
– un espace de co-working, équipé de la fibre, gratuit avec la condition pour le co-workers de s’impliquer dans l’animation du lieu et d’assurer des permanences d’ouverture régulière pour des travailleurs nomades.

Le lieu a pour objectif d’accueillir des réunions, soirées thématiques ou formations autour du numérique et de la transition écologique, mais aussi des ateliers avec le public jeune, comme avec la Maison des jeunes et de la culture.

4 – Un projet qui fait rapidement face à des difficultés

 – Un manque de mobilisation autour du projet

Mais aussi bien du côté fab-lab que du côté espace de co-working, il n’ya pas eu de véritable demande. Il a été difficile de motiver un noyau de bénévoles compétents et disponibles. En effet, pour faire vivre le fab-lab, il faut des « makers », personnes compétentes pour utiliser et apprendre à utiliser les machines, afin d’organiser des ateliers,d’assurer les permanences d’ouverture le soir…

Le président de l’association est un chef d’entreprise, d’une PME de 100 salariés, dans l’aérospatial. Il est ingénieur en mécanique mais il n’a pas de disponibilités pour animer des ateliers.

Il y a eu beaucoup de profils de retraités, de l’industrie, intéressés par le projet, par les imprimantes 3D mais n’habitant pas Pamiers, ils n’avaient pas trop de disponibilités selon leurs vies familiales et privées pour animer des permanences régulières.

Pour l’espace de co-working, une douzaine de personnes l’ont utilisé. Cela a commencé par des personnes du réseau de Bernard Brunet qui étaient soit consultants, soit dans des professions libérales.

Mais cela n’a pas pris. Les gens travaillent chez eux. Comme le tiers-lieu est en centre-ville et ces personnes vivent à l’extérieur. Ce n’est pas pratique de venir en voiture, pour repartir après à l’autre bout du département.

Pour qu’un espace de co-working fonctionne, il faut qu’il y ait une masse critique de personnes qui souhaitent s’y investir, animer le lieu, participer à sa gouvernance. Ce qui n’a pas été le cas à Pamiers.

Un service civique a été recruté mais il n’était pas à l’aise pour prendre des initiatives. Même sur des ateliers organisés avec la Maison des jeunes et de la culture, ça ne fonctionnait pas.
Fin avril, alors que Bernard Brunet devait s’absenter, le jeune a arrêté son service civique la veille de son départ.

Le deal avec le maire était que le local soit mis à disposition à condition qu’il vive, que ce ne soit pas une vitrine aveugle de plus mais un lieu avec du passage, des gens qui y travaillent permettant d’enrichir la fréquentation de cette rue.

Malgré une vraie volonté de mobiliser autour de ce projet (200 ou 300 personnes sont venues dans le tiers-lieu pour le découvrir et s’informer), la dynamique n’a pas pris. Ils se sont réunis avec le bureau au début de l’été et ont décidé d’attendre septembre pour voir s’ils arrêtent ou continuent ce projet.

– Une population adaptée au projet ?

La population du centre ne s’est pas appropriée le lieu. Cela questionne la typologie de population adaptée ou non à ce type de projet.

Les travailleurs qui viennent dans le centre sont ceux qui travaillent dans le tertiaire (banques, assurances…) mais pour la plupart ils habitent à l’extérieur de la ville. Après leur travail, ils repartent chez eux et n’ont pas forcément l’envie de rester dans le centre pour assister à des ateliers dans le tiers-lieu.

Il n’y a pas eu de pérennité des actions. Des gens sont venus une seule fois seulement. On se rend compte aussi que le prix des machines, notamment les imprimantes 3D, ont baissé considérablement. Les gens peuvent les avoir chez eux. Les personnes qui venaient au début animer des ateliers se sont pris au jeu et en ont une maintenant chez eux. Comme ils sont à l’extérieur de Pamiers, ils ne vont pas revenir dans le centre-ville vers 18h.

– Perspectives

Il y a très peu de perspectives pour le moment à part de passer à un seuil supérieur avec plus de financements, donc une aide supplémentaire de la mairie, pour financer un poste d’animateur.
Mais cela semble compliqué de convaincre le maire.

Il est possible aussi d’envisager des partenariats avec l’éducation nationale, qui existent notamment pour cela. Sur la circonscription de Pamiers, un instituteur a été nommé spécifiquement pour l’éducation au numérique. Il a contacté Bernard Brunet pour lui proposer d’organiser des ateliers avec les enfants des classes des écoles de Pamiers et des villages autour.
Bernard Brunet pense que cela ne suffira pas à relancer.

Il y a aussi des idées de formation, des ateliers autour du numérique et de la transition écologique.
Mais malgré ces quelques perspectives, un doute fort plane quant à la longévité du lieu.

 

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